Définition du Manichéisme

Qu’est ce que : Définition du Manichéisme

Le manichéisme est le courant religieux syncrétique d’origine perse établi par Mani (215-276) au IIIe siècle, qui se caractérise par la postulation de l’opposition entre le bien et le mal, en lutte éternelle l’un contre l’autre. Lilén Gomez | Mar. 2022Professeur de philosophie

La religion manichéenne

La religion manichéenne a été fondée par Mani vers 242 après JC à Babylone. Il s’agissait d’une doctrine prônant le dualisme religieux, basée sur l’ancien dualisme perse de Zoroastre, mais incorporant des éléments du bouddhisme, du gnosticisme syriaque et du christianisme.
Le dualisme manichéen fondamental consistait à postuler que le monde est composé de deux substances concurrentes, d’une part, la lumière purement spirituelle, identifiée à Dieu lui-même, et d’autre part, les ténèbres associées à la matière. La lumière, en tant que symbole de Dieu, représentait le principe du bien, tandis que les ténèbres représentaient le mal. Le conflit entre les deux principes ou substances antagonistes (Dieu et le Roi des Ténèbres) rompt le statu quo originel de l’univers, qui ne sera retrouvé qu’une fois le destin de la défaite du Roi des Ténèbres accompli.
L’homme, dans la doctrine manichéenne, est séparé de la lumière par son caractère charnel et concupiscent. La figure biblique d’Adam est relue sous la forme d’un esclave de la luxure, qui est finalement sauvé, tandis qu’Eve représente la complicité avec des dispositifs diaboliques, qui la conduisent à se perdre dans les ténèbres. Dans l’eschatologie manichéenne, la purification de l’âme menant au salut consiste en la libération de la lumière des ténèbres, après le passage par le purgatoire après la mort. La religion manichéenne a été persécutée par le christianisme, survivant jusqu’au 10e siècle en tant qu’église hérétique et par le biais de sectes jusqu’au 13e siècle. En Chine, elle a survécu clandestinement jusqu’au XVIIe siècle.

Le conflit augustinien avec le manichéisme

Saint Augustin, dans De Libero Arbitrio, répond contre le manichéisme en raison du caractère déterministe de ses postulats. Pour Augustin, l’expérience de la liberté et la capacité humaine de décision volontaire sont une condition nécessaire de la théologie. Dans le même temps, il soutient que le dualisme manichéen entre la lumière et les ténèbres constitue un fondement tout aussi valable. De son point de vue, les deux forces sont des degrés d’émanation de l’Un éternel et absolu : les ténèbres ne constituent pas un principe substantiel en soi, mais résultent de la privation de lumière, c’est-à-dire de l’éloignement de la volonté divine.
Dans la conception théologique augustinienne, Dieu est indivisible et omniprésent, de telle sorte qu’il n’y a pas de possibilité de dualisme comme le manichéen. Il n’y a donc pas de royaume des ténèbres essentiellement mauvais, mais une non-existence substantielle de la bonté, comme un manque. Le mal est essentiellement un manque, la privation du bien, mais il n’a pas de caractère substantiel en soi. Toute créature a, dans une mesure plus ou moins grande, un but dans la création, elle n’est donc jamais absolument mauvaise. Tout ce qui émane de Dieu, non seulement en tant que créateur, mais aussi du fait de son immanence dans le monde – c’est-à-dire de sa présence en toutes choses – est essentiellement bon, puisque Dieu est pure bonté. Par conséquent, le mal ne vient jamais de Dieu, mais s’explique par le fait que la volonté humaine est libre et peut choisir entre le bien et le mal. Le mal survient lorsque l’homme abuse de la liberté accordée par Dieu dans la bonté et décide de s’en détourner. Le problème qu’Augustin met en garde contre le manichéisme est que, en éliminant la volonté humaine et en faisant dépendre le mal d’une force indépendante, d’une part, il enlève du pouvoir à la divinité, mais, d’autre part, il rend Dieu responsable du mal sur terre.

Le manichéisme dans le vocabulaire courant

Dans le langage courant, le terme ‘manichéen’ a été conservé dans un usage péjoratif, pour caractériser les personnes ayant tendance à simplifier la réalité en une opposition brutale entre le bien et le mal, sans tenir compte d’un terrain d’entente.

Bibliographie

Ruda, O. J. (1965) San Agustín, los maniqueos y el problema del mal, Universidad (Santa Fé), LXIII, pp. 29-43.