Qu’est ce que : Définition de l’aliénation
Forme d’aliénation, c’est-à-dire la perte du sentiment de soi ou de l’usage de la raison à la suite d’un facteur extérieur, qui peut être économique, social, culturel. Des formes latines alienatio, alienatiōnis, par rapport au verbe alienāre. Lilén Gomez | Mar. 2022Professeur de philosophieLe terme d’aliénation fait référence à une dépossession, à la présence d’un autre, de quelque chose d’étranger en soi. Dans les théories contractualistes appartenant à la philosophie politique, la notion d’aliénation était liée à l’idée de ce qui peut ou non être cédé à la société à la suite du pacte entre les hommes. En ce sens, l’aliénation était liée au détachement d’un bien (que ce soit un bien, une liberté, une vie).
Dans la philosophie idéaliste de G. W. F. Hegel (1770-1831), le philosophe prend la catégorie d’aliénation en termes d’éloignement de l’esprit, par lequel il est objectivé et devient autre que lui-même. L’aliénation est donc liée à la manière dont le sujet se ‘déploie’ dans l’objet, en y mettant quelque chose de lui-même. Cette logique apparaît de manière centrale dans le fondement philosophique hégélien du travail : dans celui-ci, l’homme modifie la matière en y mettant quelque chose de lui et, en même temps, se transforme dans le processus de transformation de la matière.
L’idée d’aliénation selon Hegel a été élaborée de manière critique en relation avec la conception religieuse de l’aliénation à Dieu, par des auteurs comme Feuerbach dans L’essence du christianisme (1841), sur la base de l’idée que l’homme s’observe comme s’il était séparé de sa propre volonté, afin de la soumettre à la volonté divine.
La notion marxiste d’aliénation
Les développements de Karl Marx (1818-1883) autour de la notion d’aliénation ont été déterminants dans le domaine de la discussion de ce concept. Dans les Écrits économico-philosophiques (1844), Marx explore en profondeur la catégorie du travail aliéné, de telle sorte qu’il opère un glissement théorique de la sphère religieuse-spirituelle vers la sphère économique, liée à la production matérielle. L’aliénation apparaît inscrite comme un phénomène historique, par lequel le travailleur, dans le contexte du mode de production capitaliste, se rapporte au produit de son travail comme à un objet étranger qui non seulement ne lui appartient pas, mais est dirigé contre lui, représentant un pouvoir sur lui.
Les rapports de production qui sont ordonnés dans le travail salarié sous le mode de production capitaliste sont donc des rapports d’aliénation entre les hommes et par rapport au produit de leur travail. Contrairement à Hegel, pour Marx, l’objectivation qui s’opère dans le travail dans la relation entre le producteur et le produit n’est pas un idéal mais une relation historique, dont les conditions sont matérielles. Ces conditions, dans le contexte capitaliste, contreposent les produits du travail à leurs producteurs, ils deviennent ‘indépendants’ de ces derniers.
Dans le cadre de la propriété privée, le produit du travail n’est pas destiné à la jouissance de la vie, mais à l’échange en tant que marchandise. Le travail cesse d’être un moyen de subsistance pour assurer la vie et devient une marchandise échangeable, de sorte que, par conséquent, la force de travail devient la seule propriété du travailleur, dont la seule option est de la vendre afin d’assurer ses moyens de subsistance. Le travailleur doit donc aliéner son temps et sa force de travail, c’est-à-dire sa vie même, dans une activité forcée (puisqu’il n’a pas d’autre choix) pour pouvoir, paradoxalement, subsister. Par conséquent, l’aliénation du travailleur équivaut à la vente de son travail.
Dans l’échange mercantile, le travailleur apparaît réifié, comme un objet comme un autre. Dans le contexte du capitalisme, les relations sociales se traduisent par des relations entre les choses, les personnes perdant leur qualité de personnes libres. Le travail humain devient un instrument au service de l’accumulation du capital et cesse ainsi d’être un moyen de vivre.
Références bibliographiques
Musto, M. (2015) Revisiter la conception de l’aliénation chez Marx. Dans Musto, M. (ed.). Back to Marx : new readings and validity in today’s world (pp. 171-208). (Trans. Francisco T. Sobrino). Buenos Aires, Argentine : Editorial Octubre.