Qu’est ce que : Définition de la décadence
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La décadence, dans son sens large, est le processus de déclin. C’est une notion qui fait allusion à la détérioration progressive – et non à la destruction brutale – de ce à quoi elle se réfère, qu’il s’agisse d’une personnalité, d’une époque, d’un système de valeurs, entre autres. Lilén Gomez | Fév. 2022Professeur de philosophie
L’idée de décadence historique
Le concept de décadence en tant que caractéristique de l’histoire est associé à une théorie générale de la signification du temps. Ceci est généralement sous-tendu par une conception de l’histoire – typique de la pensée occidentale – comme un progrès ascendant, de sorte que lorsque ce progrès ne se déroule pas selon les paramètres attendus, on en vient à le considérer comme un déclin historique.
Les descriptions de périodes de ‘décadence’ culturelle remontent à la Grèce antique, présentées en opposition à un idéal de civilisation. Au Moyen Âge, la notion de temps comme progrès linéaire est combinée à la conception téléologique chrétienne, allant de l’origine de l’histoire dans la Genèse au Jugement dernier. Avec l’empirisme et le positivisme modernes, le temps est pensé en termes d’une ‘histoire universelle’, par laquelle les sociétés sont naturellement ordonnées vers un degré supérieur de civilisation. Ainsi, les événements qui représentaient une ‘régression’ par rapport à un tel schéma de progrès étaient lus comme des moments de ‘déclin’ ou de ‘chute’ – comme la chute de l’Empire romain – plutôt que comme une transformation des conditions historiques.
Le déclin de la civilisation chez Jean-Jacques Rousseau
Le philosophe contractualiste Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) fut l’un des premiers auteurs à souligner (dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes) que la décadence ne se trouvait pas à l’extérieur de la civilisation, la ruinant de l’extérieur, mais qu’elle contenait elle-même son germe dès les fondements. La civilisation occidentale a atrophié les capacités naturelles de l’homme qui, né libre, vit enchaîné par les entraves imposées par la société civile.
La société, fondée sur la propriété privée – qui est née d’une tromperie originelle – a fait de l’homme un être égoïste et vaniteux, dont l’avidité le pousse contre son prochain. En d’autres termes, elle a fait de lui un être décadent, qui a perdu sa liberté en se liant aux biens de ce monde et au besoin de reconnaissance des autres.
La métaphysique comme décadence dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche
Dans sa philosophie, F. Nietzsche (1844-1900) va un peu plus loin que le coup de pied initial marqué par Rousseau et souligne que la métaphysique occidentale est elle-même décadente, dans la mesure où l’édifice moral qui repose sur elle a pour seul but de masquer l’oppression du faible sur le fort. L’histoire de la pensée en Occident avait inventé un cadre conceptuel afin d’établir un calcul rationnel par rapport au monde, afin de le dominer.
Il s’agit donc d’une pensée, d’une philosophie, d’une métaphysique ou d’une morale, dont l’exercice est une atteinte à la vie elle-même, car il s’agit simplement d’une manière d’exercer un pouvoir sur elle. Par conséquent, la pensée occidentale devient décadente, car elle opère sur la vie, cherchant toujours à paralyser son devenir pour le maîtriser, et ainsi elle devient moribonde, malade.
La décadence comme problème de classe
Dans l’œuvre de Georg Lukács (1885-1971), la notion de décadence apparaît spécifiquement liée à la décadence d’une classe sociale qui, à son tour, implique la décadence de l’époque que cette classe détermine dans ses formes culturelles. Lukács pense donc le concept de décadence en relation directe avec la pratique littéraire, ainsi qu’avec la théorie du matérialisme historique. De cette analyse, le romantisme apparaît comme la première expression de la décadence littéraire, dans la mesure où la réflexivité du moi poétique prime, de telle sorte que l’individu est isolé de son contexte.
La décadence est identifiée à la décadence inhérente à l’idéologie bourgeoise ; son développement est finalement le résultat objectif de la division de la société en classes.
Références bibliographiques
– Herman, A. (1998) La idea de decadencia en la historia occidental. Barcelone, Andrés Bello.
– Salinas, M. (S/F) Sobre el concepto de decadencia en Lukács. Archivo Chile.
– Fleisner, P. (2007) De sigfridos cornudos y hechiceras infieles. Un regard sur le rejet du romantisme par Nietzsche et son éloge de Carmen. Instants et chances. Escrituras nietzscheanas, nº 4-5.