Définition du mouvement social

Qu’est ce que : Définition du mouvement social

Le mouvement social est l’action collective d’un groupe organisé dans la poursuite d’un intérêt particulier au sein d’une société. Les mouvements sociaux sont, par exemple, les mouvements de paysans, de travailleurs ou de chômeurs, entre autres. Lilén Gomez | Mar. 2022Professeur de philosophie

Histoire et conflit social

Dans la perspective du sociologue français Alain Tourain (1925), dont les recherches ont porté sur l’analyse des mouvements et des luttes sociales dans la société post-industrielle, la notion de ‘mouvement social’ doit être pensée en relation avec l’idée de conflit. Le conflit est un trait constitutif de la société elle-même, dans la mesure où le champ d’historicité auquel il appartient est composé de différents acteurs aux intérêts divergents.
Tourain souligne que, dans l’articulation d’un mouvement social, ce n’est pas la réponse réactive à une situation d’oppression, dans le cadre de la lutte des classes – telle que définie par le marxisme – mais la dispute pour une réappropriation du savoir, du modèle culturel et économique que la classe dominante a identifié à ses propres intérêts, qui prime. Ainsi, par exemple, le mouvement ouvrier ne se limite pas à être un mouvement anticapitaliste mais, fondamentalement, c’est un mouvement qui prépare une société socialiste qui succédera à la société capitaliste. Ce qui définit un mouvement social, c’est donc son projet de société et non sa réaction à un ordre donné.
Trois points sont essentiels dans la conception tourangelle du mouvement social : tout d’abord, les mouvements sociaux s’inscrivent dans le cadre des conflits sociaux, mais ils ne se réduisent pas à la manifestation des contradictions objectives du système de production, ils sont porteurs d’un projet culturel qui leur est propre ; ensuite, leur action n’est pas essentiellement dirigée contre l’État ou pour son contrôle (au contraire, les mouvements sociaux atteignent leur limite lorsqu’ils s’institutionnalisent), mais contre une autre classe sociale ; enfin, leur objectif n’est pas le dépassement de la société donnée dans laquelle ils s’inscrivent, par le biais d’une ‘avancée’, mais le remplacement d’un modèle de société par un autre.

Caractéristiques des mouvements sociaux

Dans le cadre historique dans lequel ils s’inscrivent, les mouvements sociaux peuvent partager certaines caractéristiques communes. À l’instar de l’écrivain uruguayen Raúl Zibechi (1952), ces caractéristiques communes découlent en grande partie d’une territorialisation commune aux mouvements, c’est-à-dire de leur enracinement dans des espaces physiques défendus ou récupérés à la suite de luttes sociales.
Une deuxième caractéristique commune est donnée par la recherche de l’autonomie, c’est-à-dire la capacité des groupes sociaux à obtenir et à gérer leurs propres moyens de subsistance, selon des modes d’organisation de la vie qui ne sont pas conditionnés par des pouvoirs extérieurs.
Troisièmement, la revalorisation de la culture et de l’identité des groupes, qu’il s’agisse de peuples entiers ou de secteurs de la société, apparaît comme un objectif partagé. L’objectif est de réaffirmer sa propre identité dans le respect des différences. C’est le cas de nombreux mouvements identitaires qui luttent contre la ségrégation face à la citoyenneté, dont ils se considèrent exclus.
Quatrièmement, Zibechi mentionne la capacité des mouvements sociaux à former leurs propres intellectuels, qui mettent en pratique la dispute sur le sens des connaissances établies et des imaginaires culturels dans les domaines éducatif, académique et politique. Il en va de même pour la formation des professionnels au sein même des mouvements, en dehors des institutions officiellement reconnues.
Un trait important qui caractérise les mouvements sociaux se reflète également dans l’organisation de la production. Dans ce sens, il y a une préoccupation constante pour les modes d’organisation du travail et pour la relation avec la nature.
Enfin, une caractéristique importante réside dans la manière dont les mouvements choisissent de déployer leurs stratégies d’action, que ce soit à travers des instruments de revendication, comme les grèves, ou à travers des formes d’auto-affirmation, par lesquelles un mode de sociabilité différent de celui qui est établi s’incarne dans la pratique.

Références bibliographiques

Touraine, A. (2006) Los movimientos sociales. Revista Colombiana de Sociología, 27, 255-278.
Zibechi, R. Los movimientos sociales latinoamericanos : tendencias y desafíos. OSAL, Buenos Aires, n. 9, janvier 2003.